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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/24

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Mais c’est ici, sur la terre canadienne, qu’ils vinrent labourer, fonder des familles, se battre contre les sauvages qui voulaient se débarrasser d’eux. C’est avec leurs sueurs, leur sang, leur courage, leurs peines et leur foi qu’ils ont fait ce beau Canada où nous vivons, et voilà comment nous sommes Canadiens. Et alors notre âme est canadienne-française, et vous comprenez qu’elle ne doit pas mourir, puisqu’elle tient par toutes ses racines profondes, immédiates et vivantes à la terre de France et à la terre du Canada !

Mes petits enfants, cette âme de notre race pourrait s’affaiblir, si on coupait les racines qui la relient à ses origines françaises. Ces racines sont nombreuses et fortes, et parmi elles il y a notre religion et notre langue. Si l’on vous empêchait de penser français, de parler français, de prier français, l’âme de votre race serait toute déformée, et en danger de mourir. Avez-vous vu déjà déraciner de grands arbres pour les planter ailleurs ? Ils sont quelquefois des années avant d’avoir de maigres bourgeons, et s’ils réussissent à vivre ils ne sont jamais beaux. Chez mon grand-père, il y avait un beau lilas blanc, très vieux, je l’aimais tant que je me le fis donner pour notre jardin. Il fut transplanté avec toutes sortes de précautions et il ne mourut pas, mais il ne voulut jamais fleurir : trop de ses racines avaient été coupées.