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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/45

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Les montagnes semblaient d’énormes murailles noires qui fermaient l’horizon et le sentiment de solitude s’accentua, devint une angoisse : des voix humaines ne l’eussent pas dissipée… je la sentais, cette solitude, comme une vie en dehors des choses extérieures et des meilleures amitiés, c’était vraiment l’isolement de l’âme qui n’est pas d’ici, que Dieu nous prête, qu’il attend pour la reprendre, et que rien d’humain ne peut posséder longtemps. J’ai souvent lu et entendu cette vérité ; ce soir-là, je la vis, et je compris peut-être un peu ce que nous ne nous résignons pas à accepter, et dont nous souffrons tant : l’impossibilité de nous révéler complètement et de pénétrer le mystère des autres. Aucune confidence, aucune confession, aucune intimité ne peuvent ouvrir l’âme assez grande pour qu’un œil humain y lise tout ce qui s’y passe. Et c’est peut-être parce que, passées les zones accessibles aux sentiments et aux émotions de la terre, il y a un point central, le cœur de notre âme, où habite Dieu qui nous donne la vie, et où Il garde jalousement ce qui est plus profond, plus précieux et plus digne de Lui en nous.

Pendant que se précisait en moi cette pensée, les mots d’un chant oriental, entendu il y a longtemps et jamais oublié, se formulèrent en moi avec leur accent plaintif : « Nul autre que Dieu et moi ne peut savoir ce qu’il y a dans mon cœur. »