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XXII

Le grand accordeur


Dans l’église où je suis entrée, hier, on accordait l’orgue, et avant d’arriver à la note limpide qui n’hésite ni ne tremble, l’instrument gémissait et criait comme un être torturé. Et j’ai pensé que nos âmes ressemblent étrangement aux orgues, et que la vie est chargée de nous accorder et de nous harmoniser. Pour nous amener au point exact où - toute notre âme donne la note juste, un long travail se fait, et une à une, chaque corde de notre cœur est travaillée et tendue, pendant que nous vacillons et faussons, jusqu’au jour, où grâce à l’action de la vie et à notre bonne volonté qui accepte de se mettre dans la volonté du grand accordeur, rien ne détonne et l’harmonie est atteinte.

Car pour les âmes comme pour les orgues, la perfection ne s’obtient qu’à travers les imperfections. Notre volonté et notre caractère ne progressent qu’en luttant constamment contre le mal et le désaccord qui existent en nous et hors de nous.

Si nous comprenions mieux ce travail de la Vie, nous accepterions plus doucement d’être montés par elle au diapason voulu, et prêtant le concours de notre volonté à la persévérance de l’accordeur, nous deviendrions plus rapidement des instruments