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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/106

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Au ciel bas pas un nuage, les chemins passent tout noirs entre les champs dévastés, les oiseaux se taisent, les portes sont fermées : on dirait l’endroit inhabité.

Dans ce décor désolé, toute la tristesse de ce jour des Morts, grelottant et brumeux, fait jaillir des larmes, de vaines larmes sorties des profondeurs de tous nos désespoirs !

Ô la mort vivante des jours qui ne sont plus ! Ô la mort à jamais muette de ceux à qui nous disions : nous ne nous séparerons jamais.

Ils ont disparu dans l’au-de-là mystérieux et nous avons vécu sans eux ; nous les aimions tant, et nous avons pu être heureux sans eux !

Et dans les cimetières, devant ces tombes remplies de morts qui furent aimés, oubliés et remplacés, une révolte nous soulève contre la cruauté de la destinée humaine qui voue la vie à tant de larmes et la mort à tant d’abandon !

Dans notre fièvre de vivre, nous oublions trop les morts !

Nous nous plaignons de l’inconstance et de l’infidélité des vivants, comme les morts auraient bien plus le droit de se plaindre de nos défaillances et de l’insuffisance de nos cœurs ! Mais j’aime mieux croire qu’étant dans l’infini, ils comprennent et excusent le fini des pauvres petites âmes terrestres. Et c’est parce qu’ils nous comprennent si bien qu’ils pourraient nous aider puissamment si