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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/123

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Le bonheur que nous ignorons ne nous rend pas heureux, et si les plus grands malheurs ne font pas saigner notre cœur, ils n’existent pas en réalité ; ce sont des fantômes qui errent autour de nous : nous fermons les yeux, ils disparaissent, nous n’y pensons plus !

La mort est un malheur… mais que de mortalités ne rendent pas malheureux ceux qui devraient s’affliger !

Et dans un autre ordre d’idées, ce qui enchante votre voisin vous causerait de l’ennui, et ce qui vous fait pleurer le laisserait bien indifférent !

Car est-il rien au monde de plus personnel, de plus « incommunicable » qu’une âme ?

Aussi ne faut-il pas se flatter d’avoir pénétré l’âme, toute l’âme de nos amis. Nous connaissons ce qu’ils veulent bien nous en livrer et peut-être un peu plus, si nous sommes bien perspicaces, mais ces âmes ont des profondeurs ignorées d’eux-mêmes, et le mystère et l’imprévu qu’ils y découvrent chaque jour leur causent de l’inquiétude et de l’effarement. Comment croire sérieusement, alors, que nous, du dehors, pouvons tout deviner !

Rien ne démontre plus cette impuissance des autres à connaître la véritable physionomie des âmes, que les appréciations variées que nous entendons émettre au sujet de ceux que nous connaissons bien et que nous aimons.