Aller au contenu

Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XLVI

La petite sœur de charité


La petite Sœur Saint-Benoit est une de mes amies. Quand elle apprit que je passerais l’été à X, elle me pria d’aller voir son oncle, vieux et infirme, mais « si intelligent et si bon, que vous ferez cette belle charité avec un vrai plaisir », dit-elle. J’ai donc fait la connaissance du vieux monsieur, puis je gagnai son amitié en lui disant du bien de Sœur Saint-Benoît, et dernièrement, il me raconta la simple et tragique histoire de sa pauvre vie, illuminée quelques années par la présence d’une enfant dont le départ l’a encore laissé seul, mais, cette fois, résigné et patient.

« Ma petite Marie, madame, avait deux ans quand mourut sa mère : c’était ma sœur et l’enfant n’avait pas d’autre parent que moi. Je l’apportai ici, me demandant, ahuri, ce que j’en ferais bien ! J’étais un singulier protecteur ! Déjà vieux, infirme, pas riche, sauvage comme un ours, laid… comme vous voyez, je vivais seul, redoutant les sympathies intempestives autant que la malveillance. J’avais eu une enfance pénible : les gamins de mon âge s’étaient tant moqués de ma bosse et de ma petite taille, que je m’étais sauvé du collège dans un accès de désespoir. L’ancien curé d’ici, chez qui je me réfugiai, et qui comprit et eut pitié de ma misère morale, me garda chez lui, m’enseigna tout ce qu’il