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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/59

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reuse de la jeunesse. Elle se fut peut-être mariée, — elle est douce et tendre, — mais elle n’eut jamais l’occasion de rencontrer un jeune homme. Elle eut pu avoir une amie, mais toutes les intimités étaient proscrites : on n’allait nulle part et les invitations étaient refusées. Du 1er janvier au 31 décembre tournait la roue des occupations manuelles avec un répit, le dimanche, pour aller à l’église, et trois ou quatre fois par année, pour faire une cérémonieuse tournée de visites indispensables. Pas de voyages, pas même de réunions familiales, la vie plus austère que celle du cloître où tout est illuminé et vivifié par l’intimité de Dieu. Dans cette inhospitalière demeure, Dieu est un hôte imposant, mais Il est craint plutôt qu’Il n’est aimé et on va Le voir parce que c’est une obligation !

J’entends encore l’écho de sa dernière plainte : « Moi, vous savez, tout m’est égal maintenant. Tout se tait dans mon âme ; la pensée, la prière, les regrets, les rêves… j’ai vingt-huit ans et je me sens vieille, si vieille, que cela ne me chagrine même pas de l’être ! Je veux vous dire une chose qui vous paraîtra peut-être monstrueuse, et cependant, il ne faudrait pas avoir trop mauvaise opinion de moi ! La semaine dernière mourut une de nos voisines. Elle était de mon âge, nous nous connaissions bien, et sa mort presque subite me fit vraiment de la peine… comment comprendrez-vous, alors, que j’ai « joui »