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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/94

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XXXIV

Boudoir et grognoir


Quand je ne sais quoi vous dire, je vais me promener, et il arrive presque toujours que je rencontre sur mon chemin ma petite chronique toute faite : je n’ai qu’à l’écrire… alors, c’est souvent de l’esprit des autres que je vous sers, vous en doutiez-vous, chers lecteurs ?

Hier, chez Morgan, une petite femme bien fatiguée achetait des meubles… je lui dis un mot, puis beaucoup de mots, parce que son commis s’était éclipsé et que le mien n’était pas encore arrivé… « et alors, me disait-elle, je choisis pour mon mari qui ne peut pas venir lui-même et je voudrais tant que ce petit salon fût de son goût !… il veut un coin à lui ! » — Son boudoir ? fis-je en souriant. — Il ne boude jamais,… mais il grogne quelquefois… — Son grognoir, alors ?… — S’il pouvait y rester pour grogner ! dit-elle en riant.

Et je pensai en la laissant à la boutade de Max O’Rell qui voulait assurer la paix des ménages en mettant les femmes dans leur boudoir, les hommes dans leur grognoir jusqu’à ce que les nuages fussent dissipés.

Max O’Rell n’est évidemment pas de la race des grognons : il saurait qu’on n’enferme pas un homme qui veut grogner !

Une femme de mauvaise humeur aime la solitude de son petit salon : elle s’y réfugie pour calmer ses nerfs, pour réfléchir, et aussi