Aller au contenu

Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour se cacher, car elle a honte de se sentir si maussade. Et peu à peu, entre toutes les choses familières et douces, témoins d’heures heureuses, elle mijote de bons petits remords salutaires.

Mais à l’homme qui grogne, il faut un auditoire. Grogner tout seul… c’est bon pour l’animal que je préfère ne pas nommer !

Les hommes, eux, grognent pour être entendus, et il leur faut de l’espace ; ils grognent avec plus de facilité et de conviction, si, au cours de leurs arpentages, ils trouvent quelques nouveaux sujets de critique. Oh ! ils ne sont pas difficiles, et tout leur sert ; une broderie qui traîne, un journal disparu, un gant décousu, un bouton qui branle, un porte-monnaie oublié sur un meuble… voilà plus qu’il n’en faut pour alimenter leur besoin de trouver à redire !

Ils deviennent parfois si puérils, si enfantins, qu’ils sont parfaitement ridicules : ils le sentent et leur irritation s’en augmente. Mais l’embarras, quand ils ont commencé, c’est qu’ils ne savent pas comment finir ! Il ne reste que la ressource de sortir de la maison, en tirant la porte avec fracas, pour bien marquer qu’ils reviendront pour grogner encore !

Donc, n’instituons pas le grognoir, la promenade vaut mieux, et pendant qu’elle dure, on soigne le dîner, on fait un brin de toilette, on essaie de s’imaginer que l’homme qui va revenir est le mari de la lune de miel, et on