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en prison ; l’accusé, je dirais mieux le soupçonné politique, jamais.

Nombre de personnes, à Rome, connaissaient bien le fait d’un commerce étendu de fausses reliques, mais comment en souffler mot quand la prison eût été le partage immédiat de l’indiscret ? D’ailleurs si les données paraissaient sûres, les preuves directes manquaient et surtout la possibilité de les obtenir. Quel employé eût osé dénoncer un ecclésiastique ? L’enquête de 1866 perça même un peu dans le public, mais on n’avait que des données vagues, et sous le système de gouvernement ecclésiastique, qui eût osé paraître seulement en chercher l’origine ? Sous ce système, celui qui n’était pas suffisamment discret disparaissait tout-à-coup, était mis au secret, et malheur à celui qui cherchait à pénétrer le mystère. Presque toujours celui qui se hazardait à demander une information à la police allait rejoindre l’autre, car c’était une présomption de complicité, ou même de simple liaison d’amitié. Le mutisme absolu et perpétuel était donc la condition normale de tout le peuple de Rome.

Quand le gouvernement italien entra dans Rome, en violant un traité sans doute, mais un traité qu’il n’avait jamais librement consenti ; la liberté de la presse, et surtout de la parole dans la rue, devinrent de droit commun. Les victimes de l’ancien système purent enfin se faire entendre. On put enfin oser parler des abus du régime tombé sans courir le risque d’être emmuré, ou d’être éteint par la lame d’un spadassin. On se sentait justiciable non plus de tel ou tel ecclésiastique irresponsable, mais de tribunaux réguliers devant lesquels la défense n’était plus une moquerie puisque la procédure secrète était abolie. Un des anciens maltraités du régime papal parla donc un jour d’un certain commerce de fausses reliques qui durait depuis longtemps et qui avait été très profitable à divers individus. De suite les journaux absolutistes, qui savaient comment les murs des anciennes cours romaines gardaient leurs secrets, crièrent à la calomnie, à l’imposture, à l’infamie, et affirmèrent devant Dieu que jamais pareille horreur n’avait eu lieu. Comment osait-on soupçonner les hommes éminents qui étaient à la tête de la Lipsanotica ? Néanmoins, sur le récit de certains détails, on finit par comprendre que quelques personnes en savaient plus long qu’on ne l’eût voulu, et on avoua enfin qu’il y avait bien eu quelque chose, un rien, mais que le portier seul de la Lipsanotica avait été coupable. Quant aux employés du bureau même ils étaient clairement au-dessus du soupçon.

Or ceci ne faisait pas l’affaire du pauvre portier qui eût bien été forcé de se taire sous le régime papal, mais qui, en 1871, avait le droit de se défendre même dans les journaux. Sous l’ancien régime, pas un journal n’eût osé publié sa défense. D’abord la prétention qu’il était le seul coupable n’avait pas le plus gros bon sens. Comment aurait-il pu faire seul ce commerce lucratif et qui avait pris des proportions considérables, pendant trente-huit ans, sans même exciter le soupçon des membres du département ? D’ailleurs on ne l’avait pas accusé « d’avoir contrefait les signatures ni les sceaux ; » donc ce n’était pas lui qui les avait mis. Voyant ainsi le fardeau rejeté sur lui seul, Colangeli publia une longue lettre dans un journal libéral pour démontrer qu’il n’avait pu être le seul coupable, et il donna des détails complètement inconnus jusqu’alors sur toute l’affaire. Mais ce qui atterra complètement les vrais coupables, ceux qui avaient largement profité de la spéculation, fut l’apparition simultanée dans la même feuille, de l’analyse complète du dossier même de l’enquête de 1866. Comment se l’était-on procuré ? C’était un mystère incompréhensible. Mais c’était bien le vrai dossier, avec signatures et sceaux officiels. Ce dossier avait providentiellement trouvé le chemin de la maison de l’un des maltraités du régime papal, et celui-ci n’avait pas manqué de profiter de cette bonne fortune. Le fait est que tout semble démontrer qu’il avait d’abord parlé