Page:Dessaulles - Réponse honnête à une circulaire assez peu chrétienne suite à la grande guerre ecclésiastique, 1873.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 29 —

sur données sûres, ayant probablement ce dossier en main quand il avait lancé l’affaire, pendant que les feuilles religieuses avaient nié avec colère bien persuadées que l’on n’avait rien pour s’appuyer. En un mot elles faisaient à Rome ce que nous les voyons faire chaque jour ici ! nier audacieusement même ce qu’elles savent, quitte à se taire quand la preuve vient. Et il m’est peut-être permis de dire que de plus grands personnages que les journaux en font autant.

L’analyse du dossier fut de suite publiée en pamphlet, traduite en plusieurs langues et répandue en Italie, en France, en Angleterre et en Allemagne. Je n’ai pas encore ce pamphlet entre les mains, mais le livre que j’ai reçu, évidemment écrit par un homme de très grand savoir, en fait de longs extraits. Je puis ajouter qu’un de mes amis a vu le pamphlet même à Rome, où les hommes les mieux posés lui ont affirmé que personne ne doutait de l’authenticité du dossier ni de l’exactitude de l’analyse contenue dans le pamphlet. Et ce qui démontre mieux que quoique ce soit l’authenticité du dossier, ce sont les efforts prodigieux qui ont été faits pour reprendre possession de ce dossier de malheur qui donnait de si terribles armes contre la sainte curie. Il y a de très curieux détails là-dessus que je pourrai donner plus tard au besoin.

Voilà, Mgr, les faits généraux de cette grande affaire, dont j’élague les nombreux détails qui ne sont pas essentiels à la connaissance de l’ensemble. Eh bien, je le demande à V. G : Est-il ou n’est-il pas permis de publier ici, à Montréal, la relation authentique de ce procès fait sous l’autorité du Pape, et qui a été publiée à Rome même il y a deux ans ? V. G. aurait-elle le droit de mettre dans les cas réservés ceux qui liraient cette relation ? Celui qui en publierait une traduction fidèle en Canada serait-il aussi dans les cas réservés ? Car enfin si ces graves révélations sont vraies, — et il n’y a vraiment pas moyen d’en douter — comment peut-on espérer corriger les abus si leurs auteurs sont toujours couverts ou exonérés pour la seule raison qu’il faut cacher le prêtre ? Celui-ci aurait-il donc le droit de changer la vérité en mensonge ?

Et quand l’abus dont je parle est constaté, par une enquête faite sous l’autorité du Pape lui-même, avoir duré au moins trente-huit ans ; et qu’il est constaté de plus que personne n’a été puni pour une aussi grave supercherie ; est-ce insulter la curie romaine que de prétendre que le secret dont on s’entourait en toutes choses à Rome était déjà un grave abus ; que la publicité et l’appel à l’opinion publique sont vraiment les seuls moyens d’arriver à la correction des abus, et que les membres de la dite curie ne valent pas du tout mieux, tout prêtres qu’ils sont, que les employés des autres gouvernements ?

V. G. a-t-elle le droit d’exiger ici un silence absolu sur ces choses ? Voilà ce que je désire savoir. A-t-elle le droit de défendre sous peine d’excommunication la lecture des ouvrages où elles sont exposées ? Et je ne parle pas de cette affaire, Mgr, par un sentiment d’hostilité préconçue et aveugle, mais je veux simplement rappeler à un Clergé dominateur qui nous vilipende à tout instant dans presque toutes ses chaires, qu’il est loin d’être sans reproche et qu’il a autre chose que des pailles dans son œil.

Maintenant si V. G. osait dire que je n’ai pas catholiquement droit de dévoiler à ceux qui l’ignorent un aussi grave abus — que je démontrerais facilement avoir existé à Rome depuis des siècles — je mettrais en regard de sa prétention l’extrait suivant d’un historien ecclésiastique, prêtre profondément convaincu et d’une droiture de conscience et d’esprit à toute épreuve. Il dit donc, après avoir parlé des nombreux abus de la Cour de Rome :

« Il est sans doute profondément triste de dévoiler ces choses. Il est navrant de faire parvenir à la postérité le récit de tant d’horribles scandales. Mais l’historien a-t-il le droit de les supprimer ? Il aurait donc le droit de tromper ! Pouvais-je me donner une mission et ne pas