Page:Dessaulles - Réponse honnête à une circulaire assez peu chrétienne suite à la grande guerre ecclésiastique, 1873.djvu/35

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êtes ! Enfin parceque V. G. me reproche avec aigreur et passion de tromper les autres quand elle ne peut pas ignorer que j’avais été particulièrement modéré dans mon récit des abus de la Cour de Rome, et que je n’avais pas dit le quart de ce que je puis prouver par des auteurs ecclésiastiques.

V. G. veut inculquer parmi nous l’idée de l’impeccabilité du Clergé de Rome surtout, duquel nous devons recevoir toute vérité même temporelle ; et cette prétention comporte trop de dangers pour l’avenir et les libertés du pays pour qu’elle soit tranquillement acceptée par ceux qui peuvent se rendre compte de ses conséquences inévitables. Vous voulez non seulement tout envahir, mais que nous vous en remercions à genoux par dessus le marché ! La prétention est par trop exorbitante !

V. G. a commencé, sans songer un instant jusqu’où elle pourrait la conduire, une guerre acharnée contre nous. Elle a eu le beau rôle pendant longtemps, c’est à-dire que le public lui donnait raison par pure habitude de confiance ; mais voilà que les choses changent de face et que le public commence à comprendre le danger de ne jamais rien examiner. Elle paraît avoir eu la bonhomie de croire que nous nous laisserions toujours vilipender devant le public, traiter de rebelles, d’impies, de blasphémateurs, d’ennemis de la religion et de la vérité, et mille autres insultes, sans jamais riposter et montrer un peu le défaut de la cuirasse chez ceux qui parlent si bien charité pour ne lancer qu’anathèmes. Quand on veut sabrer ainsi à droite et à gauche, Mgr, il faut être non-seulement irréprochable, mais être sûr aussi d’avoir le dessus dans la discussion. Or V. G. peut voir aujourd’hui où l’a conduite son imprévoyante tactique. Elle est incapable de montrer mes prétendues faussetés, et c’est moi au contraire qui puis prouver sans réplique possible que la sincérité n’est pas chez elle, et qu’elle a dit des choses qu’elle ne pouvait croire vraies. Et maintenant qu’elle est sortie du domaine des lettres pastorales pour entrer dans celui du journalisme, elle doit comprendre qu’elle s’est par là même soumise aux mêmes responsabilités que nous. Elle n’a pas, comme Évêque, le droit de dire dans un journal que je trompe les autres, sans montrer de quelle manière je les trompe. Et si elle refuse directement ou tacitement, de montrer comment et en quoi je trompe, elle me donne le droit de lui dire que ce n’est pas moi mais elle-même qui trompe ceux auxquels elle s’adresse. Si elle ne me réfute pas, c’est à moi qu’elle donne le beau rôle devant le public.

Non ! Mgr, on ne commet jamais impunément certaines erreurs. Tôt ou tard on est fatalement dominé par elles. Celui qui n’a jamais voulu écouter personne, ni accepter un conseil, produit à la longue l’isolement moral autour de lui. Plus on s’imagine dominer et régir l’opinion, plus on se prépare un verdict hostile de sa part. Il y a quelqu’un qui possède et possédera toujours plus d’intelligence, de lumières et de bon sens pratique, que tous les rois, ministres, Évêques ou Papes ; et ce quelqu’un c’est tout le monde !

C’est là qu’est la vraie souveraineté morale et elle ne saurait être que là puisque Dieu est nécessairement présent dans l’humanité qu’il a créée perfectible en l’illuminant d’une parcelle de sa propre raison, et à laquelle il se révèle constamment dans la suite des âges par les génies supérieurs qu’il fait de temps à autre surgir dans son sein. Ce sont les grands esprits de tous les temps et de tous les pays qui ont peu à peu défini les vérités qui éclairent aujourd’hui la conscience de l’humanité, qui les ont dégagées de la somme d’erreurs qui les empêchait ici ou là de resplendir comme l’inspiration de Dieu. Et ce qui prouve que c’est bien la conscience de l’humanité qui est la vraie souveraine du monde, c’est que le Pape lui-même lui fait appel à chaque instant. À qui s’adressent toutes ses protestations sinon à l’opinion publique, la vraie reine du monde ?

Je crois en avoir dit assez, Mgr, pour faire voir à ceux qui jugent les