Page:Dessaulles - Réponse honnête à une circulaire assez peu chrétienne suite à la grande guerre ecclésiastique, 1873.djvu/34

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la remplir honnêtement ? Serait-ce parcequ’il s’agit des fautes de ceux qui doivent aux autres le bon exemple en tout qu’il faut déguiser la vérité ? Mais quel espoir restera-t-il de faire refleurir la vertu et l’esprit apostolique au sein du sacerdoce, si ses fautes ou ses crimes doivent toujours rester secrets ou impunis ? Je n’ai donc pas cherché à déguiser la vérité, quelque pénible qu’elle fût, parcequ’aucun homme n’a dans sa conscience le droit de le faire, et que ce serait nuire à la religion et non pas la servir, que de la soutenir par le déguisement et le mensonge. »

Voilà un homme, Mgr, qui a dit des papes de bien pires choses que tout ce qui est sorti de ma plume à leur sujet, et jamais on ne l’a mis dans les cas réservés pour avoir dit la vérité. Il faut venir en Canada pour voir ainsi comprendre et appliquer la religion. Et pourtant, Mgr, quel est vraiment le prêtre sincère et respectable ? Celui qui ne veut fausser la vérité pour aucune considération, ou celui qui n’en tient nul compte parcequ’il lui faudrait constater les torts ou les fautes des ecclésiastiques ? Est-ce que l’écrivain peut modifier à son caprice les faits de l’histoire pour plaire à telle ou telle susceptibilité ? L’historien doit-il avoir moins de conscience que le confesseur ? Que dirait-on d’un confesseur, par exemple, qui excuserait chez ses amis politiques la corruption et l’achat des consciences pour les punir du refus de l’absolution chez ses adversaires ? Ce serait tout simplement infâme !

Eh bien, l’histoire est, à proprement parler, autant la confession des fautes nationales ou de celles des hommes d’état que le récit des gloires publiques ou des mérites individuels. L’historien est le confesseur de l’humanité comme le prêtre celui de l’individu. Il a donc une mission de justice et de moralité à remplir. Fausser l’histoire est un aussi grand crime que fausser la confession. L’historien peut-il remplir sa mission en faussant la vérité ? Il se déshonore, voilà tout ! Si le confesseur n’a pas le droit d’excuser le vice, comment l’historien aurait-il celui d’excuser le crime ? Si le confesseur n’a pas le droit de pardonner à l’un ce qu’il condamne chez l’autre, comment l’historien aurait-il celui de justifier chez l’ecclésiastique ce qu’il flétrit chez le laïc ? Si la vérité n’est pas la règle inflexible de l’historien comme le devoir la règle indiscutable du confesseur, l’histoire, n’est plus qu’une duperie et la confession un mensonge à Dieu.

L’histoire est la justice appliquée au passé. Or la justice ne mérite ce nom que quand elle a un bandeau sur les yeux et flétrit tout ce qui est mal sans acception de personnes ou de systèmes.

J’ai donc pleinement le droit, quand V. G. vient prétendre que j’insulte le Pape et la curie romaine en arguant des abus du système ecclésiastique pour combattre l’esprit de domination du Clergé, de lui répondre que c’est elle-même qui blesse la conscience et le devoir en me défendant de dire des choses vraies ou en excommuniant les autres pour lire les vérités que j’ai dites. Un Évêque n’a pas le droit de prohiber le récit de la vérité. S’il le fait en connaissance de cause, il est coupable de prévarication et s’il le fait parcequ’il manque d’étude et de lumières, il devrait céder sa place à un autre plus compétent.

— Mais pourquoi dire ces choses là où elles sont inconnues ?

— D’abord parcequ’elles sont vraies, et que la vérité finit toujours par se faire sa place, que ce soit par moi ou par un autre. En second lieu parceque V. G. veut faire la nuit autour d’elle, et que je juge de mon devoir de mettre sur ses gardes une population confiante et sincère qui ne voit pas assez où on la mène ! En troisième lieu, parceque le Clergé ne veut pas admettre qu’il fasse des fautes, et s’attribue le droit de défendre la lecture des livres où elles sont dévoilées. Vous traitez toujours les autres comme si vous étiez impeccables ! Il faut donc montrer que vous ne l’êtes pas. Ce sont vos seules arrogances qui nous forcent de vous rappeler ce que vous