Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/52

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qui invoquerait en faveur de son client une récente sortie de prison !

— C’est bien spécieux tout cela !

— Je ne le crois pas, et je vous défie de me montrer en quoi je me trompe. J’ai beaucoup songé à cette question de la récidive et j’en suis à penser que chaque fois que nous condamnons un récidiviste, c’est surtout notre système pénal, notre vie de tous les jours, que nous condamnons. Tenez, quand vous reprochiez tantôt à cet individu ses condamnations, vous me faisiez songer à un médecin qui reprocherait à un de ses malades de ne pas avoir été guéri par les drogues qu’il lui aurait prescrites. Croyez-moi, Monsieur le Président, lorsqu’un malade n’est point guéri, c’est qu’il est incurable, que le médecin est inhabile ou le remède mauvais — je ne vois pas d’autres hypothèses et toutes trois me font croire que nous sommes pareils à des semeurs aux mains vides, pour ne pas dire pis.

— Mais c’est extravagant, tout cela, mon cher ami. Vous n’empêcherez jamais la récidive !

— C’est malheureusement certain, Monsieur le Président. Et j’ajouterai même que si à la rigueur on peut espérer améliorer le système des peines et l’intelligence des juges, à cet égard maintes tendances fécondes s’indiquent tous les jours, nos méditations s’arrêtent effrayées devant les incorrigibles. La récidive a, sans doute, des causes sociales et le progrès social pourra l’atténuer, mais elle a surtout des causes naturelles vis-à-vis desquelles nous sommes bien désarmés. Il en est qui vont au crime et y retombent sous des impulsions presque fatales ; ce sont ceux que la civilisation ne parvient pas à s’assimiler, les