Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/22

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des sciences. Privés d’observations antérieures qui leur fussent connues, d’instrumens, de contradicteurs, de moyens de communication faciles avec les autres parties du globe, les Grecs, vifs autant que spirituels, avaient cédé à leur impatience naturelle, et pour abréger, avaient cherché plutôt à deviner la nature qu’à la connaître.

Je ne prétends point qu’il n’y ait pas eu parmi eux de grands observateurs ; et si j’avançais un pareil paradoxe, Hippocrate et Aristote seraient éternellement là pour me démentir. Mais malgré les travaux de ces grands hommes, il est vrai de dire que leurs compatriotes ont toujours ignoré l’art des expériences, et n’ont jamais attendu des observations suffisantes pour établir les théories les plus vastes et les plus téméraires, non-seulement sur l’ordre de l’univers et les lois qui le régissent, mais même sur sa composition, sa formation et son origine. Ce même esprit de précipitation, ils l’ont transporté ensuite des sciences physiques dans les sciences morales et dans la philosophie rationnelle. Ils avaient bâti mille systèmes sur la nature de leur intelligence, avant d’avoir seulement examiné ses opérations ; et