Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme il est assez vraisemblable que cette idée ou cette image ne persiste en nous et n’est transmissible que parcequ’elle est attachée à la sensation d’un signe, cela rend vraisemblable aussi l’opinion de ceux qui pensent que sans signes quelconques nous n’aurions absolument point de mémoire ; et que tout l’édifice de nos idées repose sur l’artifice qui consiste à avoir fait d’une sensation possible à rappeler à volonté, l’image bien qu’imparfaite d’une sensation que nous ne pouvons pas faire renaître réellement. Quoi qu’il en soit, l’on voit combien le souvenir d’une sensation est nécessairement imparfait. Celui d’un desir l’est encore plus. Car il y a la même différence entre éprouver un desir et s’en ressouvenir, qu’entre percevoir une sensation et se la rappeler ; et en outre dans le desir il y a tous les jugemens au moins implicites que l’on porte sur son objet, sa cause et ses effets, dont le souvenir est sujet à tous les défauts que nous avons remarqués dans les souvenirs des jugemens. Nous ne devons donc pas être étonnés de la différence qui existe dans nos raisonnemens, quand nous sommes actuellement animés par une passion ou émus par une sensation, et