Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/311

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aucun moyen humain pour que l’homme à qui on vient de prouver le plus invinciblement possible, une vérité contraire à ses manières d’être les plus invétérées, jouisse à l’instant de cette sérénité et de cette pleine facilité à en faire usage. C’est pour cela que toutes les opinions nouvelles sont lentes à se répandre. Si un novateur quelconque a jamais eu des succès prompts, c’est qu’il n’a fait que déclarer et mettre en lumière des opinions qui couvaient déjà dans toutes les têtes, et qui n’attendaient pour dominer que d’être plus éclaircies et hautement soutenues. Cependant voyons ce que je puis faire pour satisfaire les juges éclairés qui applaudissent à mes efforts, et qui desirent être toujours plus convaincus que j’ai pleinement raison. J’ai commencé cette logique par établir deux vérités que je crois très-importantes ; l’une, qu’un jugement consiste toujours à voir qu’une idée en renferme une autre ; l’autre, que raisonner n’est point une opération différente de celle de juger, et qu’un raisonnement est toujours une série de jugemens qui s’enchaînent de manière que l’attribut du premier devient le sujet du second, et ainsi de suite ; ensorte que la justesse d’un jugement consiste à