Page:Destutt de Tracy - Quels sont les moyens de fonder la morale chez un peuple ?.djvu/13

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pouvoir même exister. Que peuvent-ils donc faire ? et que font-ils en effet ? Ils se prescrivent des règles communes pour s’empêcher réciproquement d’user des occasions trop fréquentes qu’ils ont de se nuire les uns aux autres. Ces règles sont les lois dont nous avons parlé, celles qui punissent les crimes et répriment les délits. Elles sont les vrais soutiens de la morale. Elles ne peuvent détruire les occasions du mal, mais elles en préviennent les pernicieux effets. Ce sont là les bonnes lois.

Mais le malheur est que dans toutes nos sociétés, commencées avant de connaître les véritables intérêts des hommes, nous avons une foule de lois qui, loin de diminuer les effets des occasions de nuire à la société et à ses membres, en créent de nouvelles.

Toute loi inutile, par exemple, ne remédie à aucun mal, et en crée un nouveau, en fournissant une nouvelle occasion de manquer à son égard, au respect dû à l’autorité publique.

Toute loi impraticable est dans le même cas.

Toutes celles qui créent à des classes du peuple des intérêts opposés à ceux des autres classes, donnent aux citoyens des occasions de se haïr et de s’attaquer.

Toutes les lois qui prohibent des choses innocentes en elles-mêmes, engendrent un nouveau délit. Elles font des contrevenans une nouvelle classe de coupables ; et de ceux qui les surveillent, une autre troupe d’êtres vivans du malheur de leurs semblables ; deux grands maux qui n’existeraient pas sans elles.

Toute négligence dans l’administration, tout désordre dans les finances de l’État, ouvre la porte à