Aller au contenu

Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
L’AMOUR NE MEURT PAS

plus tes longues lettres à lire, je n’ai qu’une idée : compter douloureusement les mois et les jours qui s’écouleront trop lentement avant que je sois à toi, à toi seul. Ce matin quand je me suis levée, j’ai vu la neige blanche qui couvrait les champs. Elle annonce l’hiver qui s’en vient et se terminera quand mon Elphège sera reçu médecin ; et puis ce sera le printemps et l’été, et ensuite… Oh ! que toutes ces saisons me paraissent longues. Pourquoi toujours demander à vieillir ? Ne sont-ce pas autant d’années, de saisons et de jours qui s’en vont vers le néant, vers la tombe ? Elphège, mon Elphège, quand nous serons unis après l’été, nous ne demanderons plus à vieillir ; mais, hélas ! le temps fuira toujours plus vite et les jours seront plus courts encore.

(Oh ! ma Rose, tu prophétisais trop vrai. L’été a passé ; nous nous sommes unis et, depuis, quarante et une années se sont écoulées avec une rapidité trop vertigineuse.)

« Quand je n’ai plus, disait encore ma Rose, tes missives à lire, le jour ou le soir, j’erre comme une brebis égarée ; ou immobile sur ma chaise ou dans mon lit, il me semble que Ste-Martine est un tombeau dans lequel je suis enterrée vivante ; j’en éprouve tous les tourments. Elphège, quand donc viendras-tu ouvrir les portes de mon tombeau ? Qu’il me tarde de voir le véritable jour ! qu’il me tarde de voir et de sentir ta main me tirer des horreurs dans lesquelles je suis plongée ».

D’autre part quand mes lettres étaient plus courtes, ma chère Rose en éprouvait beaucoup de peines et d’inquiétudes. Elle en pleurait même. Elle me disait