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Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/37

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L’AMOUR NE MEURT PAS

la lecture de quelques pages de mes auteurs favoris suffisait pour m’hypnotiser ou me suggestionner au point, je dirais volontiers, de me faire croire que j’étais Raphaël, dans la barque, au retour de la petite maison du pêcheur, sous le rocher de Haute-Combe ; Raphaël répondant au « Je vous aime ! nous nous aimons ! » de Julie : « Oh ! dites-le ! dites-le encore ! redites-le mille fois ! disons-le ensemble, disons-le à Dieu et aux hommes, disons-le au ciel et à la terre ; disons-le aux éléments muets et sourds ! disons-le éternellement, et que la nature le redise éternellement. » Oui, je m’imaginais être Raphaël et je soupirais après ma Julie, ma Rose. Tantôt, j’étais le jeune homme de dix-huit ans couvert de la poussière rose du corail que Graziella arrondissait et usait sur la meule. J’étais le jeune maître qui apprend à Graziella à lire et à écrire ; celui qui a peur de perdre sa compagne, de ne plus la voir, de ne plus l’entendre, de ne plus lire dans ses yeux. « Elle de moins dans ma vie, et il n’y avait plus rien ». J’étais Lamartine qui cherche et retrouve sa Graziella et lui réchauffe les mains sous son haleine, et les pieds sous la laine de sa capote… À tout instant, je m’écriais comme Paul à Virginie : « Lorsque je suis fatigué, ta vue me délasse »… À la perte de ma Rose, mon désespoir, ma folie auraient été plus grands que ceux de Paul… « Si je n’avais pas eu le même toit, le même berceau que ma Rose, j’aurais cherché au moins le même tombeau ». Aujourd’hui, oh ! ma Rose, tu n’es plus, je désire ardemment le même tombeau.

Dans les méditations de Lamartine, je cherchais les poésies les plus enflammées ; je les relisais et les appre-