Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/5

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couples ; j’entendais, sans les écouter, les tendres propos des amoureux groupés autour de moi, et j’admirais l’élégance de la jeune fille qui se promenait avec le vieillard dont la tristesse m’intriguait. De la fenêtre ouverte s’échappait une chaleur parfumée, celle qu’on perçoit un matin de printemps, auprès d’une serre dont les fenêtres ont été ouvertes pour y laisser pénétrer l’air tiède. La lune, au grand disque d’argent poli, montait dans un ciel sans nuage ; les étoiles scintillaient par myriades ; la mer, immense miroir dont l’horizon lointain formait le cadre, semblait dormir tant elle était tranquille. Seul le flot, qui se roulait sur le sable blanc, murmurait le refrain des soirs calmes de l’été. Tout près quelques baigneuses, sirènes aux voix captivantes, se jouaient encore dans l’onde…

Il était dix heures ; la danse finissait. Les invités, par petits groupes, se dispersaient ; les voix s’apaisaient et ne chuchotaient plus que des mots d’amour, ces mots que le cœur entend et comprend mieux que les oreilles. C’était l’heure de la rêverie, heure qu’on aime parfois à voir revenir quand l’âge fait beaucoup plus long le chemin qu’on a parcouru que celui qu’on a encore devant soi. Mon regard s’étendait au loin sur ma vie disparue et des nuages sombres s’élevaient de là déroulant leurs longues spirales comme les pellicules d’un film, en images transparentes des souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse. Mon cigare, me brûlant les doigts, me ramena à la réalité juste au moment où les deux personnages, le vieillard et la jeune fille, qui m’avaient intrigué, tournaient le coin de la véranda