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Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/69

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Rose-Alinda et moi, nous étions rêveurs et tristes ; nous parlions peu et souvent nous regardions de côté et d’autre, au loin, comme si nous cherchions à voir quelque objet imaginaire. Hélas ! c’était pour essuyer une larme qui perlait au coin de la paupière au souvenir des doux instants enfuis, ou à la pensée du départ le lendemain. Nous n’osions nous communiquer les sentiments ardents dont nos âmes étaient remplies ; nous n’osions ouvrir, de nouveau et pour une dernière fois, nos cœurs qui se gonflaient comme prêts à éclater en sanglots. Trop d’oreilles indiscrètes nous auraient entendus qui n’auraient pu comprendre ces paroles sacrées qui ont tant d’influence sur l’avenir et qui sont comme le jaillissement de la source pure dont les eaux s’en vont au loin répandre la vie et le bonheur.

Nos voitures faisaient, en sens contraire, le même chemin que le matin. Tout était tranquille dans la campagne ; tout semblait dormir. Les quelques maisons que nous voyions à la lisière de la route étaient closes. Parfois à de rares intervalles, à travers la fente étroite que laissaient entre eux deux contrevents mal fermés, nous apercevions une lumière vacillante, et il semblait que la lampe fumeuse était à la veille de s’éteindre d’elle-même tant l’heure paraissait avancée pour les campagnards qui ont l’habitude de se mettre au lit aussitôt leur journée finie. Parfois on entendait les aboiements d’un chien, couché sur le seuil de la porte dont il avait la garde et qu’il n’osait plus quitter, comme il le fait le jour.

Arrivés au pont de la vieille Ben-Oui, nous des-