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Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/70

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cendîmes de voiture pour le passer à pied, car il était beaucoup plus dangereux le soir. La vieille Ben-Oui, comme une automate que nous aurions fait mouvoir en touchant la première planche, sortit de sa cabane. Sous son vieux bonnet crasseux, nous crûmes qu’elle ébauchait un sourire parce qu’elle avait reconnu de vieilles connaissances et de vieilles pratiques, mais son sourire ressemblait plutôt à une grimace tant sa face était contrefaite. Rose-Alinda et moi, nous nous engageâmes les derniers sur le pont. La lune, dans son plein, se levait en ce moment et projetait sa lumière sur les eaux où les ombres de nos amis paraissaient se mouvoir comme des êtres fantastiques. À notre droite, toutes les petites îles, que nous connaissions si bien pour en avoir parcouru très souvent tous les contours, ressemblaient à de gros bouquets jetés çà et là sur un immense miroir ; à notre gauche, la rivière, un peu plus large, offrait l’aspect d’un lac tranquille, encaissé d’un côté entre une berge élevée, escarpée, garnie d’arbustes ou de grands arbres qui nous cachaient la campagne ; et de l’autre, entre une rive à peine plus haute que le niveau de l’eau ; et parfois même de ce côté, on ne pouvait dire où était la limite entre l’eau et la terre, tant les joncs et les grandes herbes aquatiques élevaient leur tête. Au loin plus bas, au détour de la rivière, le vieux moulin profilait sa masse imposante entre le miroitement des eaux et le scintillement du ciel étoilé.

Nous allions tous les deux d’un pas lent, nous arrêtant à tout instant pour contempler ou interroger ce que nous avions vu depuis huit jours. Tout nous parlait,