eu le bonheur de tirer votre demoiselle des mains des gobelins, à preuve qu’elle m’avait promis de m’épouser pour la peine.
— Eſt-ce vrai ? demanda le roi à la princesse.
— C’eſt vrai, repartit la belle Ludovine, mais j’avais recommandé à mon sauveur de se tenir prêt à l’heure où je passerais avec mon carrosse ; j’ai passé trois fois, & toujours il dormait si bien qu’on n’a jamais pu le réveiller.
— Ce n’eſt point faute de m’être débattu contre ce maudit sommeil, soupira le petit soldat, mais si c’était un effet de votre bonté…
— Comment t’appelles-tu ? demanda le monarque.
— Je m’appelle Jean de la Basse-Deûle, autrement dit le Rôtelot.
— Es-tu roi ou fils de roi ?
— Je suis soldat & fils de batelier.
— Tu ne seras pas un mari bien cossu pour notre fille. Pourtant si tu veux nous donner ta bourse, la princesse eſt à toi.
— Ma bourse ne m’appartient pas, & je ne puis la donner.
— Mais tu peux bien me la prêter jusqu’au jour des noces, répliqua la princesse en lui versant de sa blanche main une tasse de café & en le regardant de ce singulier regard auquel Jean ne savait rien refuser.