Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

112
Contes d’un buveur de bière

D’autre part, la brave femme lui avait aussi conté que la lune était une grosse pomme d’or ; que le bon Dieu la cueillait quand elle était mûre, & qu’il la serrait avec les autres pleines lunes, dans la grande armoire qui se trouve au bout du monde, là où il eſt fermé par des planches.

Un quartier de lune n’eût pas été un mets à dédaigner pour un homme aussi affamé. Jean se sentait même d’appétit à avaler une lune tout entière.

Par malheur, il avait toujours soupçonné sa grand’mère de radoter un peu, & d’ailleurs il ne voyait ni clôture de planches, ni armoire, &, comme il n’avait pas plu, l’arc-en-ciel était absent pour le quart d’heure.

Le petit soldat leva le nez & reconnut, dans l’arbre sous lequel il avait dormi, un superbe prunier tout chargé de fruits jaunes comme de l’or.

« Va pour des mirabelles ! dit-il. À la guerre comme à la guerre ! »

Il grimpa sur l’arbre & se mit à table. Prodige incroyable ! il eut à peine mangé deux prunes qu’il lui sembla que quelque chose lui poussait sur le front. Il y porta la main & sentit que c’étaient deux cornes.

Il sauta tout effrayé à bas de l’arbre & courut à un ruisseau qui jasait à quelques pas. C’étaient,