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Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/121

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Le Petit Soldat


viii


Le lendemain de son arrivée, qui était un dimanche, il se mit une fausse barbe, se pocha un œil & s’habilla comme le marchand de dattes qui vient tous les ans à la kermesse de Valenciennes. Il prit ensuite une petite table & alla se poſter à la porte de l’église.

Il étala sur une belle nappe blanche ses prunes de mirabelle, qui semblaient toutes fraîches cueillies, &, au moment où la princesse sortait de la messe avec ses dames d’honneur, il commença de crier, en déguisant sa voix :

« Prunes de madame ! prunes de madame !

— Je connais les prunes de monsieur, dit la princesse, mais je n’ai jamais ouï parler des prunes de madame. Combien valent-elles ?

— Cinquante florins la pièce.

— Cinquante florins ! Qu’ont-elles donc de si extraordinaire ? Donnent-elles de l’esprit, ou si elles augmentent la beauté ?

— Elles ne sauraient augmenter ce qui eſt parfait, divine princesse, mais elles peuvent y ajouter des ornements étrangers. »