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Contes d’un buveur de bière

il le pria débonnairement d’en laisser pour un autre.

Voici le troisième ; acceptez-le, vous qui, manquant de tout, m’avez donné le seul bien qui vous appartienne, le produit de votre travail.

— Merci, l’homme de Dieu, fit le sabotier ; & il prit le noyau, tandis que ses fils ouvraient des yeux grands comme des portes de grange.

— Mais, notre maître, dit alors Petit-Pierre, le culot de la famille, si vous voyagez depuis dix-huit cents ans, c’eſt donc vous qui…

— Oui, c’eſt moi, mes enfants,
Qui suis le Juif errant, »

répondit sur un air bien connu Isaac Laquedem, car c’était lui, &, après avoir repris son bâton, il se remit en route pour Bruxelles où, comme chacun sait, il fut accoſté par des bourgeois fort dociles qui le régalèrent d’un pot de fraîche bière, en le priant de raconter son hiſtoire.


ii


Le sabotier & ses fils ne revirent plus jamais le Juif errant, mais ils plantèrent le noyau dans