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Manneken-Pis

« Eh bien ? dit le sabotier.

— On ne m’a mie laissé entrer, » répondit le jeune drôle.

Le père, qui le connaissait menteur & gourmand, pensa qu’il avait mangé les pêches, au lieu de les porter au palais. Le lendemain, il en cueillit d’autres & les envoya par son fils cadet.

Arrivé au Trou du Diable, le gars rencontra la pauvresse qui lui dit :

« Qu’eſt-ce que vous portez donc là, mon petit fieu ?

— Des crapauds qui t’ont vue au sabbat, vieille sorcière, répondit celui-ci, qui était encore plus mal embouché que son aîné.

— Eh bien ! fieu, je souhaite que ce soient les plus beaux crapauds qu’on ait jamais vus. »

En effet, quand le panier fut ouvert devant le roi, il en sortit d’énormes crapauds qui se mirent à marcher, noirs, gluants, hideux, sur la belle nappe blanche.

Le roi, la reine & la princesse se levèrent en poussant un cri d’horreur. Le monarque allongea à l’insolent commissionnaire un grand coup de pied qui l’envoya cogner de la tête un domeſtique, lequel le repoussa sur un autre, qui le rejeta sur un troisième, & c’eſt ainsi que, de bourrade en bourrade, le garnement gagna la porte, trop heureux d’en être quitte à si bon marché.