comptait qu’il ferait une telle peur aux lapins qu’ils s’enfuiraient à tous les diables ; mais, chose singulière ! ils l’attendirent de pied ferme &, loin de courir au gibier, Miraud se tint sur les talons du sire, la queue & l’oreille basses.
Voyant sa ruse échouer, celui-ci suivit l’exemple des chasseurs, quand ils reviennent le carnier vide. Il s’approcha du sautériau.
« Berger, lui dit-il en soufflant comme un bœuf, tu as là de bien jolis lapins. Veux-tu m’en vendre un ?
— Mes lapins ne sont ni à vendre ni à donner, répondit le sautériau. Ils sont à gagner.
— Ah !… & que faut-il faire pour les gagner ?
— Me prêter votre figure afin que je m’exerce à la cible.
— Je ne comprends pas.
— C’eſt pourtant bien simple. Je viserai votre pleine lune & son gros nez me servira de petit noir, encore qu’il soit rouge.
— Quoi ! marmouset, tu oses…
— Voilà, fieu. C’eſt mon idée.
— Voyons ! trêve de plaisanterie ! Combien veux-tu de ton lapin ?… Mille escalins ? »
Pierre, sans répondre, se mit à bourrer son arbute avec de petites balles d’écorce de peuplier.
« Dix mille ? »
Il haussa les épaules.