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Contes d’un buveur de bière

je serais donc heureux de pouvoir me reposer une fois ! Dieu le Père s’eſt bien reposé le septième jour, après qu’il eut créé l’homme.

Créer ! quel divin mot ! Le dernier des artisans peut avoir un fils qui lui ressemble ; moi seul suis condamné à ne jamais revivre dans mes enfants. Pour loyer de six mille ans de services, Dieu le Père, ô bon Dieu, tu devrais bien donner un fils à ton serviteur !

— Je ne corrige jamais mon œuvre, répondit Dieu le Père. Tu as été mis dans le monde pour détruire, non pour créer. Tout ce que je puis faire pour toi, c’eſt de t’octroyer la faveur d’être le parrain d’un enfant dont tu rencontreras le père demain, en revenant de faire ta journée. »

Le lendemain, la Mort rencontra Jean-Philippe, le gros censier du Chêne-Raoult, dont la femme venait d’accoucher d’un treizième garçon.

Jean-Philippe, voulant un homme juſte pour parrain de son fils, choisit l’universel faucheur ; & celui-ci donna à son filleul le nom de Macaber, qui en arabe signifie cimetière.

Chaque soir, en revenant de son ouvrage, la Mort faisait une visite à son filleul ; il le prenait sur ses genoux, le couvrait de baisers & lui apportait des couques sucrées & de petits moulins à vent qu’il avait achetés en passant à Condé.

On mit bientôt le jeune gars au collège & la