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Martin & Martine

Ils gagnaient du terrain ; pourtant, leur persécuteur arriva presque aussi vite qu’eux au bord d’un grand lac. Martine n’eut que le temps de changer Martin en bateau & elle-même en batelière.

« Eſt-ce que vous n’avez pas vu par ici un jeune homme à la peau brune & une jeune fille vêtue de blanc ? demanda l’ogre.

— Si fait, répondit la batelière. Ils ont suivi quelque temps le bord, ensuite ils ont pris par la saulaie. » &, repoussant le rivage de sa rame, elle gagna le large.

L’ogre enfila le chemin qu’on lui indiquait & n’y trouva personne. Le soir tombait & notre homme était outré de fatigue.

Il retourna chez lui par Cambrai & s’arrêta au Grand Saint-Hubert, pour boire une pinte & jouer une partie de cartes avec son compère Cambrinus.

On a beau être père, on n’en eſt pas moins homme, & un homme rangé ne se couche point sans avoir vidé sa demi-douzaine de canettes. L’ogre en buvait quarante, c’était son ordinaire.

En trinquant il conta sa mésaventure à son compère, qui le consola de son mieux.

« Ne te fais pas de bile, lui dit-il. Ma filleule ramènera un jour ou l’autre son petit prince par le bout du nez.