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Le Poirier de Misère

Avait-il donc trouvé le secret de mourir, & lui, jadis si généreux, se l’était-il réservé pour lui seul ?

Tous les Condéens sortirent de la ville pour se mettre à sa recherche : ils fouillèrent si bien la campagne en tous sens qu’ils arrivèrent au jardin de Misère. À leur approche, le docteur agita son mouchoir en signe de détresse.

« Par ici ! leur cria-t-il, par ici, mes amis : le voici, voici la Mort ! Je l’avais bien dit dans ma brochure, qu’on le retrouverait dans le marais de Vicq, le vrai berceau du choléra. Je le tiens enfin, mais non possumus descendere de ce maudit poirier.

— Vive la Mort ! » firent en chœur les Condéens, & ils s’approchèrent sans défiance.

Les premiers arrivés tendirent la main à la Mort & au docteur ; mais, ainsi que le docteur, ils furent enlevés de terre & saisis par les branches de l’arbre.

Bientôt le poirier fut tout couvert d’hommes. Chose extraordinaire, il grandissait au fur & à mesure qu’il agrippait les gens. Ceux qui vinrent ensuite prirent les autres par les pieds, d’autres se suspendirent à ceux-ci, & tous ensemble formèrent les anneaux de plusieurs chaînes d’hommes qui s’étendaient à la diſtance d’une portée de crosse. Mais c’eſt en vain que les derniers, reſtés à terre, saquaient de toutes leurs forces, ils ne