tait garni la panse que de pétotes, autrement dit de pommes de terre, n’avait qu’un désir au monde : c’était de manger de l’oie.
Or, il exiſte, à quatre lieues de là, en tirant devers Condé, un village où l’on voit de si magnifiques troupeaux d’oies, qu’il n’eſt bruit, dans tout le pays, que des ôsons d’Hergnies.
« Quand je serai grand, disait le Ninoche, j’irai à Hergnies & je mangerai de l’ôson. »
De fait, un soir d’automne, il planta là ses vaches & partit sans tambour ni trompette.
S’il revint comme il était parti, & jusqu’où l’amour de la volaille peut conduire une cervelle de ninoche, c’eſt ce que nous saurons par la suite.
Il marchait un peu à l’aventure, en demandant son chemin. À nuit close, il arriva à Escaupont, & entra dans la cense du Vivier, qui tient, comme chacun sait, au bois de Raismes.
« Vous ne pourriez point m’indiquer le chemin d’Hergnies, femme de Dieu ? dit-il à la fermière, qui était en train de souper.
— Si fait, fieu ; mais vous voilà en route sur le tard. C’eſt donc une affaire bien pressée ?
— Oh ! femme, je crois bien ! Il y a plus de dix ans que j’ai envie de manger de l’ôson, & vous comprenez… »
La censière, étonnée, le toisa de la tête aux pieds.