béquilles ; l’Allemande lui semblait froide et glacée, la Française trop écervelée, la Vénitienne n’était qu’une quenouille garnie de filasse en guise de cheveux ; à la fin des fins, qui pour une cause, qui pour une autre, il les renvoya toutes une main devant, l’autre derrière[1].
Voyant que tant de beautés s’en étaient allées en fumée, il résolut de s’étrangler, puis il tourna les yeux vers sa propre fille et dit :
« Je vais cherchant Marie pour Ravenne. Si Prétiosa, ma fille, a été faite dans le même moule que sa mère, j’ai à la maison la beauté qu’il me faut. Pourquoi la chercher au bout du monde ? »
Il communiqua son idée à sa fille, mais elle entra dans une colère que nulle parole humaine ne saurait exprimer. Le monarque furieux lui dit :
— Baisse la voix et retiens ta langue[2]. J’ai résolu de former ce soir avec toi le nœud du mariage ; si tu refuses, je te coupe en si menus morceaux que le plus grand sera l’oreille !
Sur cette menace, Prétiosa se retira dans sa chambre ; elle se mit à déplorer son sort et à se torturer la cervelle. Comme elle était à faire cette triste figure, il arriva une vieille qui lui servait à distribuer ses aumônes. Celle-ci lui trouvant un