« Il est saoul, mes amis, dit-il, saoul comme cent mille Polonais.
— Tiens, c’est une idée ! bégaya Cardon.
— C’est ton mauvais whisky qui lui vaut ça, Cardon, pourvoyeur malhonnête que tu es !
— Mon whisky, mauvais ?… Tu peux bien le dire, à présent que tu en as plein ta vilaine trogne, riposta Cardon, blessé dans sa dignité de fournisseur.
— Trogne toi-même !
— Assez ! mes amis, intervint Després, n’allez-vous pas vous chicaner, maintenant ? »
Puis, se tournant vers le Caboulot qui était assis près de la table, le front dans ses mains :
« Voyons, Caboulot, lui dit-il, prouve à ces deux ivrognes que tu n’es pas saoul et que tu parles sensément. »
Pour toute réponse, le jeune homme se leva en face de Després et le toisant minutieusement :
« Oui, c’est bien Gustave, murmura-t-il comme se parlant à lui-même. Seulement, tu es si changé depuis sept ans, que je ne t’aurais certes pas reconnu, sans cette histoire…
— Que veux-tu dire ? demanda Després, qui, à son tour, regardait le petit étudiant dans les yeux et lui trouvait une bizarre ressemblance.
— Je veux dire, répondit l’enfant d’une voix émue, que la destinée a d’étranges voies et qu’elle place aujourd’hui en face l’un de l’autre deux hommes qui étaient amis de vieille date, sans se connaître…
— Mais nous nous connaissons depuis plus d’un mois !
— Oui, de figure. Mais te serais-tu imaginé, mon vieux Gustave, que sous le sobriquet de Ca-