Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

océan de réflexions, que l’histoire n’a malheureusement pas consignées.

Cependant, le « Marsouin », recevant la brise droit en poupe depuis son changement d’orientation, approchait rapidement du point de repère assigné par le capitaine : le « Petit-Mécatina. »

Vers les cinq heures, comme les hauts rochers de cette île se profilaient nettement à l’horizon, la tête de Thomas Noël émergea de l’écoutille d’arrière et le propriétaire de cette tête demanda :

— Eh bien, mon Jean-Jean, ça va-t-il ?

Les deux Jean, ainsi interpellés à la fois, répondirent ensemble, l’un :

— Mais oui, capitaine, ça « boulotte » : voyez !

L’autre :

— Nous aurons le nez dessus dans une petite heure, pas plus !

Thomas sauta sur le pont, suivi de près par Gaspard ; et les deux marins, se faisant un abat-jour de leur main étendue au-dessus de leurs yeux, inspectèrent l’horizon de l’ouest.

Tout là-bas, émergeant du golfe immense, une grosse tache noire se détachait de la surface scintillante de la mer.

Le soleil, alors élevé peu au-dessus des falaises de la côte labradorienne, inondait de ses rayons la partie septentrionale de cette tache, qui brillait de mille feux, variés en couleurs et dansant d’une arête à un pic, d’un pan de roches rouges ferrugineuses à un écran de granit lustré, striant de bandes lumineuses les fûts basaltiques ou irradiant les quartz polis par les baisers toujours inassouvis du grand fleuve.

Oh ! le coucher du soleil sur le golfe Saint-Laurent, quelle féerie ! quel poème !

Cependant, le « Marsouin, » le cap sur l’île « Mystérieuse »[1], filait rapidement, à peine balancé d’arrière en avant par les longues vagues du golfe.

Les hauts rochers de la partie septentrionale du Mécatina, quand on n’en fut plus qu’à un mille de distance, masquèrent complètement les premiers contreforts de la côte labradorienne, éloignée en cet endroit d’une couple de lieues.

  1. Nous l’avons ainsi appelée, dans « Un Drame au Labrador. »