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Soudain, avec accompagnement de bruit de poulies criardes, la muraille parut se froncer comme un soufflet d’accordéon.

Effectivement, elle se ramassa sur elle-même, exagéra ses aspérités, se plissa, se ratatina pour démasquer un espace libre, où le « Marsouin » pourrait loger tout à son aise.

Comme un décor de théâtre, ni plus ni moins !

La prétendue muraille n’était, en effet, qu’une vieille voile, mouchetée de branches de sapin, de lierre et de mousse, et badigeonnée à la diable comme une fresque représentant de vraies roches.

Une prime de contrebandier, quoi !

Deux câbles glissant sur des poulies dissimulées adroitement tendaient la muraille trompeuse ou la retiraient, selon que les initiés voulaient ou non se rendre absolument invisibles.

Cette fois, aussitôt que le « Marsouin » l’eût dépassé, le mur de toile peinte fut soigneusement remis en place.

Les contrebandiers étaient « at home ».

Aucun regard humain ne pouvait tomber sur eux, et seuls les goélands piaillards, voltigeant en grand nombre au-dessus de l’île, auraient pu dire, dans leur jargon guttural, qu’un grand vaisseau et son équipage de bipèdes sans plumes se trouvaient enclavés dans les hauts rochers du « Mécatina ».


CHAPITRE II

LE REFUGIUM PECCATORUM


— Nom d’un phoque ! dit Gaspard : ça me retrempe de me voir de nouveau ici… Au moins on est chez soi… Personne pour nous dévisager et chercher à lire sur notre figure les traces de crimes imaginaires…

— Oh ! tout ce qu’il y a de plus imaginaires !… renchérit Thomas, sur un ton moitié figue moitié raisin.

— Point d’oncle ni de tante dont il faille supporter les regards soupçonneux…

— Pas l’ombre !