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ne veuve qui n’a été mariée qu’un jour, une semaine, un mois même, vaut encore mieux qu’une vieille « squaw » sur le retour…

— Pouah ! fit Gaspard avec dégoût.

— Et, d’ailleurs, au diable les préjugés ! — car, ces idées-là, c’en est. Moi, si jamais je prends femme, ce ne sera qu’une gaillarde qui aura usé une demi-douzaine de maris. Celle-là, du moins, pourra me guider dans le chemin marécageux de la vie conjugale.

Et maître Thomas, après cette déclaration d’une orthodoxie fort contestable, rechargea complaisamment son bout de pipe.

Gaspard parut goûter assez peu la philosophie très large de son copain…

Mais il ne souffla mot.

La tête lui faisait mal.

Un combat s’y livrait, évidemment, entre le génie du bien et le génie du mal.

Qui l’emporterait ?

Ce fut le sombre esprit de l’abîme.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Vers deux heures du matin, — alors que maîtres et matelots du « Marsouin » dormaient à poings fermés dans leurs cadres, — un son lugubre, une fanfare apocalyptique, un hurlement macabre… retentit dans le silence de la nuit.

« Ton ! ton !! ton !!! — Ton ! ton !! ton !!! » répétait la voix effrayante, ne s’arrêtant que quelques secondes entre ces deux phrases d’une musique infernale.

Réveillés en sursaut, les quatre dormeurs du Mécatina sautèrent hors de leurs lits.

Mais vite ils se rendirent compte de ce dont il s’agissait.

— La « Marie-Jeanne ! » dit Thomas, le premier.

— En effet, c’est son signal… confirma Gaspard.

— Vite, répondons.

Et les quatre hommes, escaladant le cap, eurent tôt fait de recueillir chacun une brassée de varechs et autre herbes desséchées, qu’ils disposèrent en trois tas et enflammèrent sans retard.