Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/37

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— Je m’y connais… Il y aura du grabuge dans le détroit… En attendant, nous n’avons qu’à dormir jusqu’à la nuit prochaine, — à moins toutefois que je ne me décide à aller rendre visite à mon ami Blouin, qui garde le phare que tu vois en face d’ici.

— Ah ! fit Gaspard… Et que comptes-tu lui dire à ton ami Blouin ?

— Je compte d’abord lui apporter une bonne cruche de « saint-pierre », pour lui délier la langue, et savoir s’il est toujours à cheval sur ce qu’il appelle son « devoir ».

— Tiens !… Songerais-tu, par hasard, à l’y faire manquer ?

— Justement, — ou plutôt à lui jouer, sans qu’il s’en doute, un bon tour de ma façon.

— À quoi bon, si ça ne rapporte rien ?

— Ça rapportera gros, au contraire !

Gaspard ouvrit les yeux tout grands, ne sachant où voulait en venir son associé.

Mais celui-ci, au lieu de répondre par une explication, se dirigea vers l’avant du « Marsouin », disant :

— Faisons comme les généraux d’armées : examinons d’abord le champ de bataille… Et, pour commencer, va prendre ta longue-vue.

Gaspard obéit aussitôt et revint avec l’article indiqué.

Thomas, naturellement, était déjà muni du même instrument d’optique.

Les deux compères sautèrent alors sur les crans contre lesquels s’appuyait la joue du « Marsouin, » et ils grimpèrent, s’aidant des pieds et des mains, jusqu’au plus haut sommet.

Là, abrités par des sapins épais, ils pouvaient à volonté se rendre invisibles, tout en ne perdant de vue ni la baie, ni le détroit.

En faisant face à la mer, ils avaient sous les yeux : à droite, le phare de Forteau qui domine la pointe ouest de la baie du même nom ; à gauche, la côte hérissée de caps, dentelée d’anses et se fondant, dans la direction nord-est, avec les nuages bas du firmament.