Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/40

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— Nom d’un phoque ! ne put-il s’empêcher de remarquer, on dirait que la mer et le vent sont à notre service : bonne brise en poupe pour nous amener ici, et le nordêt qui enfle ses joues et souffle ferme, histoire de nous envoyer quelque gros « trois-mâts » des grandes Indes, qui se crèvera la panse sur les récifs en face de nous, à seule fin de dégorger son contenu à nos pieds !…

— Comme tu le dis, camarade : approuva Thomas. Les choses se passeront ainsi que ta belle imagination vient de les prévoir, et nous ferons un butin à ne savoir où le fourrer. Mais, pour en arriver là, deux petites circonstances doivent se produire…

— Je m’attends bien à de l’aléa.

— D’abord, il faut que le navire chargé soit dès maintenant engagé dans le détroit.

— Il l’est. Mon petit doigt me le dit.

— En second lieu, nous aurons à compter avec le gardien du phare de Forteau… Sera-t-il seul ?… Aura-t-il soif ?

— Il a toujours soif, le gardien de Forteau. Quant à être seul, il y a toute apparence que son galopin de fils court les bois, en quête de gros gibier, comme c’est sa louable habitude tout le long de l’année.

— Le brave garçon !

— Il faut bien que « jeunesse se passe »…

— Nous sommes la preuve de la justesse de ce proverbe… Mais, assez causé… Agissons.

— C’est bientôt dit…

— Et bientôt fait : viens.

Thomas entraîna son compère vers l’angle extrême du cap regardant Terre-Neuve.

Quand on observe le détroit de quelques pieds en arrière de ce lieu élevé, on se figure tout naturellement que des pans de rochers presque perpendiculaires baignent leur base dans la mer.

Il n’en est rien, cependant.

Le promontoire, s’évidant en éperon, fait une chute oblique, pour s’amincir graduellement et se fait en chapelet de récifs sous-marins, jusqu’à plusieurs arpents de large.

Toutefois, ce bas-fond n’atteignant pas, — il s’en faut d’un bon demi-mille, — l’alignement du phare de Forteau, il s’en suit que les navires, qu’ils viennent de l’est ou de l’ouest, en se guidant sur la lumière officielle, n’ont rien