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CHAPITRE X

LA CHASSE À… LA FEMME


Ce n’était pas mince besogne qu’entreprenaient là nos trois marins.

Suivre à la piste un ennemi connu, en plein jour et dans un pays peu accidenté, est déjà suffisamment difficile et ne souffre aucune faute de tactique.

Mais, enfin, on a les yeux ouverts pour embrasser à la fois une assez grande étendue de terrain ; les arbres sont là pour y grimper et les hauteurs se prêtent à l’escalade, sans qu’on risque de se rompre le cou avant d’atteindre leur sommet, d’où l’on pourra jeter un coup-d’œil sur les environs.

Et puis la forêt est pleine des rumeurs variées de la vie animale s’agitant partout, dans l’air et sur le sol à la feuillée sonore…

Mais, la nuit, tout est paix, silence et mystère.

Seules, les grandes voix de la nature inanimée, — chûtes d’eau sur les rochers en gradins ou dans des fosses ceintes d’échos, frizelées du vent dans le feuillage, grondements du tonnerre à travers les rayures d’or de l’électricité foudroyant les nuages, — seuls, ces orchestres grandioses font retentir les échos multiples de la montagne ou de la vallée, muettes toutes deux, solennellement attentives.

Un appel à voix ordinaire s’entend à un mille de distance.

La moindre parole, — du moins quand l’atmosphère est en paix, — vous a des résonances inattendues.

Le mot d’ordre est donc : Silence et célérité ! quand on patrouille dans ces solitudes pleines d’embûches.

À plus forte raison, pendant une nuit d’été sereine comme celle où nos trois marins quittèrent le Chalet pour suivre la trace des ravisseurs, fallait-il redoubler de précautions.

Ah ! si Wapwi eût été là !…

C’est lui qui en aurait fait un guide merveilleux, avec son flair de renard et ses yeux de lynx.

Mais décidément le petit Abénaki devait avoir fait quelque mauvaise rencontre, car, de la journée qui finirait bientôt, — il était près de minuit, — on n’en avait eu ni vent ni nouvelle.

Ainsi pensait Arthur Labarou, tout en guidant son escouade à travers les fourrés et les sapinages où ils s’étaient engagés.