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— Justement… Méchante, méchante, l’Ourse !… Elle a bien battu le petit Wapwi.

— Cette nuit même ?… Au fait, depuis quand es-tu ici, et comment t’es-tu laissé surprendre ?

— Pardon, petit père… Wapwi bien fatigué depuis trois nuits qu’il court les bois… Ses oreilles n’ont pas entendu le pas léger du Micmac en marche et il est tombé dans un piège, comme un renard qui a trop mangé de poules.

— À quelle heure cet « accident » t’est-il arrivé ?

— À l’heure où les wawarrons commencent à se parler.

— Vers neuf heures, à peu près.

— Petite mère était encore debout, bien sûr.

— Sans doute. Je causais même avec elle sous la véranda qui fait face à la baie.

— Ah ! si vous l’aviez cachée dans votre grand bateau !

— Hélas ! pouvais-je supposer ?… murmura le capitaine avec une amertume farouche.

Puis, secouant d’un geste de tête cet affaissement passager :

— Et tu les as vus revenir ?

— Oui, une couple d’heures plus tard, par le même chemin… Ils portaient un grand paquet de linge, sur deux perches, et couraient de toutes leurs forces, excités par la Grande-Ourse, qui criait à toute minute : « Vite ! plus vite !… Vous boirez de l’eau de feu pour vous reposer ! »… Et ça courait… ça courait…

Ils sont passés près d’ici, sans même faire attention à Wapwi.

— Et comment as-tu pu voir la direction qu’ils ont prise, une fois disparus ?

Wapwi indiqua le sud-est.

— À une portée de fusil d’ici, c’est l’eau… dit-il. Ils ont un grand canot et des avirons, et six hommes pour faire courir le canot vers la goélette mouillée au large.

Arthur Labarou en savait assez.

— À la mer, matelots ! commanda-t-il : c’est là que nous rejoindrons les ravisseurs.

Les quatre hommes se précipitèrent aussitôt dans la direction indiquée et débouchèrent en un clin-d’œil sur la grève en hémicycle que battait alors la mer baissante.

Rien en vue !

Les oiseaux de nuit s’étaient envolés.

Seulement, on pouvait aisément suivre la trace de leurs pas, jusqu’à l’eau, et distinguer