— Ah !… Et rien de plus ?
— Oh ! oui, attendez… Il y a près d’une lune, pendant la nuit, une goélette jeta l’ancre en face d’ici et deux hommes descendirent à terre : un noir et un blond.
— Gaspard et son compère Thomas : je m’en doutais.
— Ils éveillèrent la Grande-Ourse et eurent un court palabre avec elle. Puis ils repartirent aussitôt, regagnant leur goélette, qui prit la direction du grand canal de montagnes…
— Le détroit de Belle-Île ?
— Oui, petit père : c’est bien ça.
— Et la Grande-Ourse ?
— Elle s’est absentée toutes les nuits depuis ce temps-là, toujours escortée de ses six guerriers qui pagayaient le grand canot… Au petit jour, ils regagnaient le campement.
Mais il y a deux nuits et une journée qu’on ne les a pas revus, ni hommes, ni femme, ni canot.
— Plus de doutes ! s’écria le capitaine : ce sont eux qui ont fait le coup.
Mais… où sont-ils ?… Quelle direction ont-ils pris ?… Ah ! c’est à en devenir fou !
Et le pauvre mari de fraîche date, démoralisé par cette dure incertitude, crispait ses poings dressés vers le ciel.
Wapwi ne disait rien, mais sa petite cervelle travaillait ferme.
José Poquin, qui avait rejoint le groupe, hasarda timidement une supposition assez naturelle :
— Mon capitaine, dit-il, pour en « être une autre, c’en est une autre, parole de mousse » !… Mais j’ai une idée…
— Laquelle ?
— La nommée Grande-Ourse est partie avec le plus grand canot du port, — je veux dire de l’île, — pas vrai ?
— Oui, d’après les sauvagesses.
— Et avec six hommes d’équipage ?
— Les « squaws » l’affirment.
— Pour lors, mon capitaine, m’est avis qu’on n’appareille pas une pirogue comme ça pour courir les bois.
— C’est bien vrai… Mais…
— Et que nous trouverons nos voleurs de femmes le long de la côte ou dans quelque île du golfe.