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merci à la Grande-Ourse, qui s’arrache le gosier pour te chanter ses plus rares palabres ?…

Aucune voix ne répondit à cette apostrophe ; mais Wapwi, qui en avait parfaitement saisi le sens, se dit à lui-même : « Petite mère est là. L’Ourse la garde. Mais Wapwi veille. »

Et le jeune Abénaki, s’allongeant tant bien que mal dans son boyau souterrain, souffla son falot, ferma les yeux et demeura immobile.

Ce n’est pas que la musique vocale de sa belle-mère eût amolli son cœur ou amoindri sa rancune d’enfant maltraité par une marâtre.

Oh ! non. Les traces du bâton de la vieille Micmaque lui brûlaient encore le dos et, la rancune indienne aidant, il se promettait bien toujours, le cas échéant, de venger à la fois, un de ces jours, son défunt père mené à la baguette et lui-même, enfant sans défense, éduqué à coups de trique.

Mais les souvenirs du « pays » où s’était écoulée son enfance, où il avait grandi, lui étaient venus au cœur avec ce chant approprié aux circonstances de son départ.

Et il avait soudain éprouvé une grande lassitude, comme si toutes les fatigues des jours précédents se fussent appesanties à la fois sur ses membres courbaturés…

Ses paupières s’alourdirent ; le souffle de sa respiration se ralentit d’abord, puis s’égalisa dans un rythme à peine perceptible…

L’enfant dormait.


CHAPITRE XII

DOUBLE CONTREBANDE


Laissons pour un instant notre jeune ami voyager dans le pays des songes, — pays mystérieux où l’esprit humain, se débarrassant de ses entraves matérielles, prend d’étranges ébats, sans souci des lois physiques ou des idées ayant cours.

Près de la moitié de la vie humaine se passe ainsi dans des conditions d’indépendance psychique, propres à dérouter tous les philosophes de notre raisonneuse planète.