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Et cette mélopée, en langue micmaque, entendue au milieu de la nuit, dans les entrailles d’un rocher perdu, produisit l’effet d’un chant de sirène sur l’esprit superstitieux du jeune sauvage.

Allongé dans le boyau souterrain, s’appuyant sur les genoux et les mains, le cou tendu et respirant à peine, Wapwi se tint immobile, cloué au sol par cette voix étrange qui lui parlait de ses aïeux.

Mais un goéland noctambule ayant fait entendre, sur les rochers, son cri déchirant, la chanteuse se tut pendant une minute.

Puis la voix gutturale recommença, après un court répit, reprenant la mélopée du commencement.

Voici ce que disait ce chant un peu triste, qui fut toute une révélation pour Wapwi :


Dans la hutte d’écorce,
Ouverte à l’orient,
L’innocence et la force
Dorment paisiblement.

Le père tient son arme
Et l’enfant, son joujou…
Dors, petit, sans alarme
Sous l’œil du manitou.

Ho ! qui vient là dans l’ombre
Du bois silencieux ?…
C’est l’Abénaki sombre.
À l’œil audacieux.

D’un trait sûr et rapide,
Le père est transpercé…
Petit enfant, sans guide,
Que faire, délaissé ?

Ma hutte est solitaire…
Viens : tu seras mon fils.
Et l’orphelin sans père
Écouta mon avis.

Mais l’homme blanc que mène
Le souffle du vent fort
Vient un jour… Il emmène
Mon fils, mon doux trésor !

Et l’Ourse est misérable
D’avoir perdu l’Ourson.
Manitou secourable,
Rends-lui son nourrisson !


Ici, la voix se tut, — ou plutôt le chant cessa, — car l’organe qui venait de moduler une si touchante élégie monta d’une octave pour crier :

— Hé bien ! ma fille, tu ne dis pas seulement