Plus il avançait dans sa lecture non-interrompue, plus il sentait se développer en lui avec une rapidité vertigineuse, des sensations, des goûts, des désirs, qu’il n’avait encore éprouvés que d’une manière vague et sans persistance. Dans sa course affolée à travers les passions humaines s’entrechoquant, se combattant, grandissant avec les obstacles, escaladant les pics élevés du sublime ou se vautrant dans les bas-fonds de l’ignoble, Georges avait des vertiges et des éblouissements. Tantôt il se croyait transporté, en rêve, sur les épaules de quelque Asmodée fantaisiste, qui le promenait, avec des ricanements cyniques, à travers les bizarreries de la nature humaine ; et tantôt il se figurait assister à quelque monstrueuse représentation de fantasmagorie où les tableaux, bien que saisissants, empruntaient à un décor pompeux nous ne savons quel charme inconnu. Il se sentait attiré, malgré lui, vers ces rivages grandioses de l’idéal, sans crainte des récifs qui les défendent et de la terrifiante majesté qui plane sur ces contrées.
Aussi, pendant les deux semaines de répit que lui avait laissées son oncle, Georges voyagea-t-il en plein pays de rêve. Il but à longs traits le nectar de la fiction, s’égara dans un dédale d’aventures et se gorgea d’intrigues savamment tissées.
L’amour ― qui, jusque là, lui avait paru chose assez insignifiante ― vida sous ses yeux tous