Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/136

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trouver le moindre indice qu’il y eût là quelque traînard caché.

Après un moment de silence, M. Haredale se mit à crier à deux ou trois reprises, puis enfin il dit tout haut : « Y a-t-il quelqu’un de caché ici, qui connaisse ma voix ? il n’y a plus rien à craindre : il peut se montrer. S’il y a là quelqu’un de ma maison, je le prie de me répondre. » Il les appela tous par leur nom, les uns après les autres ; l’écho répéta sa voix lugubre sur bien des tons ; ensuite tout redevint muet comme auparavant.

Ils se tenaient au pied de la tourelle où était suspendue la cloche d’alarme. Le feu ne l’avait pas épargnée, et de plus, les planchers en avaient été sciés, coupés, enfoncés. Elle était ouverte à tous les vents. Cependant il y restait un bout d’escalier au bas duquel était accumulé un grand tas de cendres et de poussière ; des fragments de marches ébréchées et rompues offraient çà et là une place mal sûre et mal commode pour y poser le pied, puis il disparaissait derrière les angles saillants du mur, ou dans les ombres profondes que projetaient sur lui d’autres portions de ruines : car, pendant ce temps-là, la lune s’était levée à l’horizon et brillait d’un grand éclat.

Pendant qu’ils étaient là debout à écouter les échos lointains et à espérer en vain d’entendre quelque voix connue, des grains de poussière glissèrent du haut de cette tourelle en bas. Ému par le moindre bruit dans ce lieu sinistre, Salomon leva les yeux sur son compagnon, et vit qu’il venait de se retourner vers le même endroit, qu’il observait avec une grande attention : il était tout yeux et tout oreilles.

M. Haredale couvrit de sa main la bouche du petit homme, et se remit en observation. L’œil en feu, il lui recommanda expressément, sur sa vie, de se tenir tranquille, sans parler et sans bouger. Puis, retenant son haleine, et marchant courbé en deux, il se glissa furtivement dans la tourelle, l’épée nue à la main, et disparut.

Effrayé de se voir laisser là tout seul, au milieu de cette scène de destruction, après tout ce qu’il avait vu, tout ce qu’il avait entendu ce soir même, Salomon l’aurait suivi, si l’air et les manières de M. Haredale n’avaient pas eu, en lui défendant d’avancer, quelque chose dont le souvenir le tenait, pour ainsi