Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/137

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dire, enchanté. Il resta donc comme enraciné à la place où il était, osant à peine respirer, montrant dans tous ses traits un mélange de surprise et de crainte.

Encore des cendres qui glissent et roulent en bas…très, très-doucement… puis encore… puis encore, comme si elles s’écrasaient sous un pied furtif. Et puis voici une figure qui se dessine dans l’ombre, grimpant très-doucement aussi et s’arrêtant souvent pour regarder en bas : la voilà qui poursuit son ascension difficile, et qui disparaît aux yeux encore une fois !

La voici qui reparaît dans un jour obscur et douteux ! elle est un peu plus haut, pas beaucoup, parce que le chemin est escarpé et pénible ; elle ne peut avancer que lentement. Quel est donc le fantôme imaginaire qu’elle poursuit là-haut, et pourquoi donc est-elle toujours à regarder en bas ? Cet homme ne sait-il pas qu’il est seul ? Est-ce que par hasard il aurait perdu l’esprit dans les pertes cruelles qu’il a pu faire cette nuit ? S’il allait se jeter la tête en bas du haut de ce mur chancelant ! Salomon, dans sa frayeur, se sentait défaillir et joignait les mains. Ses jambes tremblaient sous lui ; une sueur froide inondait son pâle visage.

S’il en avait eu la force, il aurait désobéi aux ordres de M. Haredale, mais il était incapable de prononcer un mot ou de faire un mouvement. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de tenir sa vue fixe sur un petit coin de clair de lune où il allait voir sans doute apparaître la figure, si elle continuait de monter ; et, quand il la verrait arriver là, il essayerait de l’appeler.

Encore des cendres qui glissent et tombent, des pierres qui roulent en bas avec un bruit lourd et sourd. Salomon tenait sans cesse ses yeux tendus sur le coin de clair de lune. La figure avançait toujours, car on voyait déjà son ombre sur la muraille. Ah ! la voilà qui reparaît…. la voilà qui se retourne la voilà….

Le sacristain, frappé d’horreur, avait poussé un cri qui avait percé l’air : « Le revenant ! le revenant ! » L’écho n’avait pas encore achevé de répéter ce cri, qu’une autre figure à son tour passait au clair de la lune, se jetait sur la première, la terrassait, lui mettait un genou sur la poitrine, et lui serrait la gorge avec ses deux mains.

« Scélérat ! cria M. Haredale d’une voix terrible, car c’était lui, c’est donc toi qui, par une ruse infernale, te fais passer