Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/250

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— Qui donc est-ce ? … je vous demande qui c’est ? cria-t-il en vacillant et en regardant autour de lui d’un air farouche. Voyons ! dépêchons-nous ! où est-il ? qu’on me le montre.

— Vous avez du mal, » lui dit Barnabé ; et, en effet, il était blessé à la tête, d’abord du coup qu’il avait reçu, et puis d’une ruade de son cheval. « Venez-vous-en avec moi. »

En même temps il prit en main la bride, tourna le cheval, et entraîna Hugh à quelques pas de là. Cela suffit pour les dégager de la foule qui se précipitait de la rue dans les caves du négociant en vins.

« Où donc ? … où donc est Dennis ? dit Hugh s’arrêtant tout court et saisissant Barnabé de son bras vigoureux. Où est-il resté tout le jour ? Qu’est-ce qu’il voulait dire en me laissant là, hier au soir, dans la prison ? Dites-moi ça…. le savez-vous ? »

En faisant tourner son arme dangereuse, il tomba par terre, étendu comme un chien. Une minute après, quoique exalté déjà jusqu’à la frénésie par la boisson et par sa blessure à la tête, il rampa jusqu’à un courant d’eau-de-vie enflammée qui coulait dans le ruisseau, et se mit à en boire comme de l’eau.

Barnabé le tira de là et le força à se relever. Quoiqu’il ne fût capable ni de marcher ni de se tenir debout, il se dirigea involontairement en trébuchant jusqu’à son cheval, grimpa sur son dos et s’y tint attaché. Après de vains efforts pour dépouiller l’animal de ses harnais sonores, Barnabé sauta en croupe derrière Hugh, attrapa la bride, tourna dans Leather-Lane, qui était tout près de là, et mit à un bon trot le coursier effrayé.

Cependant, avant de sortir de la rue, il regarda derrière lui : il regarda un spectacle tel qu’il ne devait plus s’effacer jamais, même de sa pauvre mémoire, dût-il vivre cent ans. La maison du négociant en vins, avec une demi-douzaine de maisons voisines, n’était plus qu’une grande et brûlante fournaise. Toute la nuit, personne n’avait essayé d’éteindre les flammes ou d’en arrêter le progrès ; mais, pour le moment, un détachement de soldats étaient sérieusement occupés à abattre deux maisons en bois qui étaient à chaque instant en danger de prendre feu, et qui ne pouvaient manquer, si on les laissait s’enflammer, d’étendre au loin l’incendie. La