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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/249

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solitude où il avait passé la journée, ou des pensées qui l’avaient occupé, mais enfin Londres lui parut peuplé d’une légion de démons. Cette fuite et cette poursuite, cette dévastation cruelle par le fer et la flamme, ces cris effrayants, ce tapage étourdissant, il se demandait si c’était bien là la noble cause du bon lord.

Malgré la stupeur où le plongeait cette scène sauvage, il trouva pourtant le logis de l’aveugle. Tout était fermé : il n’y avait personne. Il attendit longtemps, mais en vain. Il finit par s’en aller, et, comme il apprit justement en ce moment-là que les soldats venaient de tirer, et qu’il devait y avoir beaucoup de morts, il se dirigea vers Holborn, où on lui avait dit qu’était le grand rassemblement ; il voulait essayer d’y rencontrer Hugh, pour lui persuader d’éviter le danger et de revenir avec lui.

S’il avait été abasourdi et dégoûté du tumulte tout à l’heure, son horreur ne fit que redoubler en pénétrant dans ce tourbillon de l’émeute, et lorsqu’il en eut sous les yeux le terrible spectacle, sans y prendre part. Mais enfin, là, au beau milieu, dominant le reste des insurgés, tout près de la maison qu’on attaquait alors, Hugh était à cheval, appelant, animant tous les autres.

Le tumulte qui l’entourait, la chaleur étouffante, les cris, les craquements, tout cela lui faisait mal au cœur ; cependant il pénétra de force au travers de la foule, reconnu de bien des gens qui se reculaient en poussant des bravos pour le laisser passer, et il arrivait justement auprès de Hugh, au moment où il proférait des menaces sauvages contre quelqu’un ; mais contre qui et pourquoi, l’extrême confusion de cette scène ne permettait pas à Barnabé de le savoir. Au même instant, la foule se précipita dans la maison dont elle avait brisé la porte, et Hugh…. il fut impossible de savoir comment…. tomba à terre tout de son long.

Barnabé était à côté de lui, quand il se remit sur ses pieds, encore tout chancelant ; heureusement pour lui qu’il fit entendre sa voix, car Hugh levait sa hache pour lui fendre le crâne en deux.

« Barnabé ! … vous ! Quelle était donc la main qui m’a jeté par terre ?

— Ce n’est toujours pas la mienne.